Marelle, Julio Cortázar

https://maps.google.es/maps/ms?msid=208062017066513811431.0004e023e074e43daf533&msa=0&ll=48.8576,2.300777&spn=0.071379,0.209255 

Cortázar lit le chapitre en espagnol: https://www.youtube.com/watch?v=Hk_Dvr1YXl4

Marelle (chapitre 7)
Je touche ta bouche, avec un doigt je touche le bord de ta bouche, je lui dessine comme s'il sortait de ma main, comme si pour la première fois ta bouche était entrouverte, et il me suffit de fermer les yeux pour le défaire par tout et recommencer, je fais naître chaque fois la bouche qui souhaite, la bouche que ma main choisit et elle te dessine dans la face, une bouche choisie entre toutes, avec une liberté souveraine choisie par moi pour la dessiner avec ma main par ta face, et qui par un hasard qui ne cherche pas comprendre coïncide précisement avec ta bouche qui souris sous laquelle ma main te dessine. Tu me regardes, tu me regardes de tout près, tu me regardes de plus en plus près, nous jouons au cyclope, nos yeux grandissent, se rejoignent, se superposent, et les cyclopes se regardent, respirent confondus, les bouches se rencontrent, luttent tièdes avec leurs lèvres, appuyant à peine la langue sur les dents, jouant dans leur enceinte où va et vient un air pesant dans un silence et un parfum ancien. Alors mes mains s'enfoncent dans tes cheveux, caressent lentement la profondeur de tes cheveux, tandis que nous nous embrassons comme si nous avions la bouche pleine de fleurs ou de poissons, de mouvements vivants, de senteur profonde. Et si nous nous mordons, la douleur est douce et si nous sombrons dans nos haleines mêlées en une brève et terrible noyade, cette mort instantanée est belle. Et il y a une seule salive et une seule saveur de fruit mûr, et je te sens trembler contre moi comme une lune dans l'eau
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- Julio Cortázar

Rayuela (capítulo 7)
Toco tu boca, con un dedo toco el borde de tu boca, voy dibujándola como si saliera de mi mano, como si por primera vez tu boca se entreabriera, y me basta cerrar los ojos para deshacerlo todo y recomenzar, hago nacer cada vez la boca que deseo, la boca que mi mano elige y te dibuja en la cara, una boca elegida entre todas, con soberana libertad elegida por mí para dibujarla con mi mano por tu cara, y que por un azar que no busco comprender coincide exactamente con tu boca que sonríe por debajo de la que mi mano te dibuja. Me miras, de cerca me miras, cada vez más de cerca y entonces jugamos al cíclope, nos miramos cada vez más de cerca y nuestros ojos se agrandan, se acercan entre sí, se superponen y los cíclopes se miran, respirando confundidos, las bocas se encuentran y luchan tibiamente, mordiéndose con los labios, apoyando apenas la lengua en los dientes, jugando en sus recintos donde un aire pesado va y viene con un perfume viejo y un silencio. Entonces mis manos buscan hundirse en tu pelo, acariciar lentamente la profundidad de tu pelo mientras nos besamos como si tuviéramos la boca llena de flores o de peces, de movimientos vivos, de fragancia oscura. Y si nos mordemos el dolor es dulce, y si nos ahogamos en un breve y terrible absorber simultáneo del aliento, esa instantánea muerte es bella. Y hay una sola saliva y un solo sabor a fruta madura, y yo te siento temblar contra mi como una luna en el agua.- Julio Cortázar

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